ExploTalk #2: Urbartho

Découvre l’univers des explorations de Urbartho! Cet explorateur français établi à Berlin produit un travail photographique en urbex très recherché et travaillé, en particulier au niveau de l’éclairage et l’ambiance!

Qu’est-ce qui t’a donné envie de te mettre à l’urbex

C’est accidentel. Un jour, je me promenais le long d’un canal à Rennes avec un ami. On tombe sur une énorme tannerie abandonnée et on s’arrête devant. On entre et on se retrouve pendant plusieurs heures à explorer la tannerie. C’était en 2013. Un jour, j’ai vu au cinéma le film de David de Rueda qui venait de sortir. Ils ont traversé tous les États-Unis en van pour explorer un tas de choses. Et je me suis dit : «Ah oui, en fait il y a des trucs abandonnés partout».

À la projection, il y avait des gens qui pratiquaient l’exploration, donc à la fin on a commencé à parler. Et je me suis retrouvé à explorer tous les week-ends tout autour de Rennes.

Tu produis maintenant différents contenus, tu peux en parler un peu ?

Je suis plutôt actif sur YouTube, mais j’ai commencé sur Instagram en 2014-2015. Au début, je postais pas et après je me suis dit : « Tiens, j’ai quelques photos qui traînent. Je vais commencer juste comme ça, sans prétention ». Petit à petit, je me suis développé un peu plus en photo. Sur YouTube, il y a des vidéos d’urbex, mais je commence à amener d’autres choses avec des paléontologues par exemple. On a déjà fait une vidéo avec la plus grosse fleur du monde, on a eu l’opportunité d’interviewer les gens du jardin botanique à Nancy. Là, je suis en train de tourner une vidéo où j’ai adopté des cloportes. On teste des trucs. J’ai envie de faire d’autres choses que juste de l’urbex. À la base, les vidéos c’était pour montrer l’envers du décor des photos de nuit que je fais.

Oui, tu fais beaucoup de photos de nuit. Qu’est-ce que tu recherches ?

Ça me permet de jouer beaucoup plus avec l’atmosphère de l’endroit. À la base j’explorais de jour. Et j’en ai eu marre de faire juste des photos de lieux vides. J’ai donc demandé à mes potes de se mettre sur les photos. J’ai essayé de faire un peu du light painting et de faire des choses un peu différentes des lieux de jour. Et à un moment, je me suis dit : « Qu’est ce qu’il se passe si je prends mon studio et que je l’emmène dans un endroit abandonné ? ». Je débarque avec cinq-six flashs, des couleurs dans tous les sens, et ça me permet de réinterpréter le lieu et de faire un truc qui n’a jamais été fait.

Tu penses que t’as une meilleure maîtrise de la lumière si tu vas de nuit ?

Ça donne plus de liberté. Ça me permet de dire : « Tiens, là je peux faire un truc plus mystérieux ». De jour, tu peux juste travailler ton cadrage. De nuit c’est beaucoup plus fin.

T’as jamais peur d’aller avec autant de matériel de nuit ?

J’ai eu quelques mauvaises surprises, mais maintenant, j’essaie de repérer les endroits déjà de jour. Quand je commence à déballer cinq-six flash, c’est que en général en cas de problème, on peut soit tout remballer, ou alors c’est qu’il n’y a personne. Le risque est calculé.

Tu viens de France, mais tu habites en Allemagne. Est-ce qu’un pays est plus intéressant qu’autre pour les explos ?

L’Italie, complètement. Il y a tellement de choses à voir et c’est pas compliqué. Et puis, la météo et la nourriture sont quand même bien! Mieux qu’en Allemagne.

Qu’est-ce que tu cherches quand tu fais des explos ?

L’ambiance. Au-delà du côté de l’interdit, j’irai dans les mêmes spots si ce n’était pas interdit. D’ailleurs, il y a certains spots où je vais avec une autorisation. C’est l’aspect esthétique que je cherche. Je peux passer cinq-six heures sur un spot à filmer et revenir encore pour shooter pendant trois heures le soir.

À quel moment peut-on considérer un lieu comme abandonné ?

Certains explorateurs vont dans des résidences secondaires. J’ai vu des photos où tu vois littéralement le mec avec dans sa poche l’empreinte de la pince qu’il a utilisé. Au final tout le monde en pâtit parce que s’ils se font attraper, ils disent « on fait de l’urbex », et tout le monde prend cher. Et même sans créer un accès toi-même, si tu te fais choper, on peut te reprocher d’avoir créé l’accès alors que t’y es pour rien. J’ai la théorie que l’urbex est vouée à s’autodétruire. Plus tu vas montrer les endroits que tu vas, plus t’as de passage, et plus ça se dégrade. La législation suit, ou les accès sont fermés.

Mais d’autres lieux vont se recréer.

Oui, mais pour avoir un truc graphiquement intéressant avec certaines textures de dégradation, il faut 25-30 ans. Les constructions modernes ne se dégradent pas de la même manière que des choses qui ont été construites 100-150 ans en arrière. Il y a des choses qui vont jamais vraiment se renouveler. Et comme les gens explorent de plus en plus un lieu dès que c’est accessible, il n’y a plus cette temporalité. Ça ne laisse pas le temps de vieillir.

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu appréhendes dans un lieu ?

Ne pas revenir. Tu ne sais jamais si tu vas te blesser ou carrément mourir. Pour le matos, j’ai des assurances. Je prends quand même les précautions pour voir s’il y a des gens qui pourraient potentiellement poser problème sur place. J’essaie d’anticiper les problèmes sans y penser tout le long non plus. Et l’excès de confiance, ça peut jouer contre toi. Les seules fois où je me suis blessé, c’était un peu de l’excès de confiance.

Du coup, s’il y a un truc auquel il faudrait faire attention en explo, ce serait quoi?

Faire attention à soi-même. Contrôle-toi, contrôle tes réactions. La base c’est de savoir comment tu peux réagir dans les moments de stress ou d’imprévu. Il faut apprendre à se connaître. Il faut pas non plus être complètement paranoïaque, mais tes réactions, c’est ça qui fait que tu te blesses, parfois.

Comment tu trouves tes spots ?

C’est surtout du Google Maps et aller chercher depuis des vidéos ou des photos. En général, tu vas pas inventer un nouveau spot que personne n’a visité, c’est vraiment rare. Il y a toujours un petit indice qui se cache. Si tu prends le temps de chercher, en général tu trouves. Des fois, tu croises d’autres explorateurs et ils te filent un spot de fou sans le savoir.

Quel est le plus beau lieu que tu as exploré ?

Une centrale électrique. Immense. Avec une énorme salle, des plantes qui poussent, des machines à moitié enseveli sous le lierre, le soleil qui vient du dessus par les trous dans le toit. Le bruit de l’eau qui passe à côté du cours d’eau. T’as l’impression d’être dans un décor post-apocalyptique. Et après tu pars derrière la salle de contrôle et tu tombes sur l’envers du décor : les racines de lierre absolument partout sur le mur, t’es dans le noir… Un côté beaucoup plus oppressant.

Et quelle est ta pire expérience urbex ?

Quand je me suis fermée un SAS de bunker sur la chaussure. Mon ongle de gros orteil s’est soulevé, et j’étais seul dans la forêt. Pour réussir à expliquer aux pompiers où j’étais… J’ai un peu pris conscience que c’est quand même bien d’être deux. Quand tu donnes ta localisation à quelqu’un, donne aussi des instructions sur quoi faire.

Un message à faire passer auprès d’autres explorateurs, à ceux qui voudraient se lancer ?

Il faut avoir envie de faire ça, un intérêt profond pour la chose. Prenez votre temps, renseignez-vous avant de faire de l’exploration. Imprégnez-vous de l’ambiance, prenez le temps pour faire des images, soyez tranquille.

Remarque: cet article est une version texte de la vidéo interview. Afin de faciliter la lecture, les phrases ont été partiellement reformulées, et malgré tout le soin apporté, il peut arriver que certains propos prononcés par moi ou la personne en face ne soit pas attribué à la bonne personne dans la version texte. Dans tous les cas, le contenu et message global de l’interview est reflété au plus près par cette transcription.